Reporters Sans Frontières (RSF), l’organisation de défense de la liberté de la presse, ouvrira en avril prochain un centre d’accueil à Doha, au Qatar, qui ne se cantonnera pas aux problématiques de la région mais aura une portée mondiale.
L’établissement aura quatre missions. « La première est d’assister les journalistes et les médias en difficulté», a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 19 mars à Paris. Il a aussi insisté sur la vocation internationale de ce centre qui accueillera également les journalistes nécessitant des soins. Il fera office aussi de Villa Médicis pour les professionnels des médias, qui, du fait de tensions dans leurs pays, ne parviennent pas à travailler dans de bonnes conditions. Ces derniers pourront y résider six mois et produire un travail en échange.
L’établissement agira également sur le plan juridique à plusieurs échelons. Au niveau de la communauté internationale, il veillera à la mise en place d’outils visant à mieux protéger les journalistes et lutter contre ceux qui les menacent. L’idée étant que les crimes commis contre le personnel de médias, pendant des conflits, puissent, tout comme c’est le cas du personnel humanitaire, être qualifiés de crimes contre l’humanité et donc relever de la Cour Pénale Internationale. Les autres aspects du travail juridique consistent à assister les journalistes en procès mais aussi aider certains pays à se doter d’un code de la presse non liberticide.
Troisième ambition du centre, assurer une fonction de mémorial à vocation pédagogique. « On expliquera pourquoi l’assassinat d’un journaliste n’est pas seulement un drame pour lui, sa famille et la profession mais aussi un coup porté à la démocratie et aux droits de l’homme, de manière à sensibiliser le grand public » a ajouté Ménard. Last but not least, le centre de Doha ambitionne d’instaurer un dialogue concret entre le monde arabe et l’Occident. Ce projet n’aurait certainement jamais vu le jour sans Sheikha Mozah Nasser al-Misnad, l’épouse de l’émir du Qatar, que Ménard a rencontré l’automne dernier par l’entremise d’un confrère. Cette dernière se serait montrée soucieuse de venir en aide aux journalistes menacés en Irak mais aussi dans d’autres pays en conflit. Très vite, elle accepte la proposition soumise par RSF d’ouvrir un centre à Doha. Et chose inhabituelle dans cette région du monde, le projet se concrétise rapidement. Début décembre, le sheikh promulgue un décret annonçant la création de ce centre. Le protocole d’accord faisant office d’acte de naissance est signé le 3 janvier dernier entre Sheikh Hamad bin Thamer al-Thani, président du conseil d’administration de la chaîne télévisée Al Jazeera, au nom du gouvernement qatari qui en assure la présidence, et Robert Ménard, Secrétaire Général de RSF, à qui revient la direction.
L’implantation du centre à Qatar et l’implication d’Al Jazeera dans ce projet ne manque pas d’éveiller des suspicions. Comment RSF parviendra-t-elle à préserver son indépendance à l’égard de ses bailleurs de fonds ? Ménard s’empresse de balayer de tels doutes en affirmant que l’idée qu’il puisse subir des pressions ne lui a même pas « effleuré l’esprit ». «On fera notre travail en toute indépendance vis-à-vis de tout le monde y compris des autorités du Qatar. Ils savent que nous ne sommes pas du genre à arrondir les angles. Je ne me gêne pas pour dire ce que je pense d’un certain nombre de régimes. Et cela ne va pas changer d’un iota. Demain, si notre indépendance est menacée, on en tirera les conséquences. Il n’est pas né le gouvernement ou l’organisation qui pèsera sur nous. » a-t-il tranché. « Ceci étant, je n’ai pas de garantie sur l’avenir. Notre seule garantie est notre capacité à dire non et à claquer la porte,» a-t-il poursuivi.
Face à l’insistance des journalistes présents à la conférence de presse, Ménard rétorque que si maintenant la question est de savoir si le Qatar est une démocratie ou un modèle de la liberté de la presse et bien la réponse est assurément non. Seulement, il estime que la présence du centre dans ce pays et dans cette région peut justement jouer un rôle positif à cet égard. Quant au rôle d’al-Jazeera, il estime que la télévision qatarie est un atout colossal pour faire connaître le centre même s’il reconnaît ne pas partager tous les points de vue de la chaîne.
Source APN.
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