Un roman d’Akram Musallam. Littérature de Palestine. C’est dans un dancing situé sur la côte israélienne qu’un jeune Palestinien fait la rencontre avec une Française. Depuis, elle, ou plutôt son tatouage en forme de scorpion, hante ses rêves nocturnes et ses pensées de la journée. Et c’est autour de cette nouvelle obsession que l’auteur nous construit sa métaphore, pleine d’autodérision, lucidité et amertume à la fois.
A en croire ce roman, c’est plus un scorpion tatoué au dos d’une jeune Française que le narrateur a rencontré un soir, que la femme elle-même. Depuis, ce scorpion hante sa vie, ses rêves et ses pensées. Il le voit partout, en train d’escalader le miroir de sa chambre, mais n’y parvenant pas, le scorpion tombe et recommence sans cesse… ruisselant de sueur. C’est dire combien est grande son impuissance. Mais comment un scorpion, qui ne boit pas d’eau, qui n’a pas de pores, peut-il transpirer? Et s’il transpire, ne perd-il pas ainsi tout son venin?
Le roman est ainsi construit, de bout en bout, sur cette métaphore autour du scorpion. L’auteur parvient à dénoncer avec le verbe la situation palestinienne après la deuxième intifada et les accords d’Oslo en 1994 qui avaient donné tant de faux espoirs: une pseudo-autonomie dans un territoire que ravagent aussi bien les chars israéliens qu’une Autorité palestinienne corrompue et impuissante. Mais cette métaphore de la situation politique, l’auteur la transparait avec lucidité, amertume et autodérision.
En fait, l’impuissance du scorpion est aussi celle du père du narrateur. Un père qui a perdu l’usage de sa jambe, et sa virilité avec, non pas à cause de la guerre mais d’un clou rouillé. Malgré cela, voilà que le père demande incessamment à son fils de prendre soin de sa jambe amputée, comme s’il ne parvient pas à accepter cette perte si douloureuse.
D’autres protagonistes apparaissent dans le roman, tout aussi attachants. Comme le personnage d’un prisonnier appelé « mulet de la révolution » qui vient d’être libéré après dix-huit ans d’emprisonnement… seulement… et qui se trouve contraint de servir ceux qui l’ont toujours considéré comme un vrai mulet…
A chacun de ses personnages, l’auteur donne une forte charge symbolique, avec une écriture à la fois sobre et dense. Né en 1972 à Talfit, près de Naplouse, Akram Musallam est journaliste et écrivain. Il a obtenu un diplôme en littérature arabe à l’université de Bir Zeit. Journaliste et reporter au quotidien Al-Ayyâm, il a déjà publié un premier roman « Les Tourments d’Alexandre ». L’histoire du scorpion qui ruisselait de sueur est son deuxième roman, édité par Actes Sud, Sindbad.