Mariages précoces au Yémen

mariages précoces au yémen

Les mariages précoces forment un frein au développement du Yémen, c’est ce que confirme une étude réalisée par Save the Children-Suède, en collaboration avec le Gender-Development Research and Studies Centre de l’université de Sanaa.

L’étude est intitulée Gender Based Sexual Violence Against Teenage Girls in the Middle East (Violences sexuelles sexospécifiques à l’égard des adolescentes au Moyen-Orient). Elle affirme que les jeunes filles yéménites sont privées de leur droit à l’enfance puisqu’elles sont préparées à assumer une maternité à un âge précoce.

"Elle avait 14 ans lorsqu’on l’a mariée. Aujourd’hui, elle a un bébé, mais elle est encore une enfant, elle-même". "On ne devrait pas les tolérer, parce qu’ils ne permettent pas aux filles de profiter de leur enfance" . "Une fille a été mariée par ses parents à l’âge de 14 ans […] l’accouchement de son premier enfant s’est bien passé, mais pour le deuxième enfant, elle a failli mourir "… C’est en ces termes que les jeunes filles yéménites ont fait part de leurs opinions sur les mariages précoces dans l’étude réalisée.

"Un tel rôle crée une appréhension chez les filles et leurs familles, qui pensent que le mariage est le premier objectif d’une fille", a expliqué Pernilla Ouis, principale responsable de l’étude. Selon la convention sur le droit des enfants, les mariages précoces ont lieu avant que la mariée ou le marié n’ait atteint l’âge de 18 ans. Au Yémen, les traditions conservatrices et la pauvreté obligent les filles à se marier et à devenir de jeunes mères avant l’âge de 18 ans. En outre, bon nombre de parents pensent qu’en mariant leurs filles tôt, ils pourront protéger leur honneur et celui de la famille.

Pour Mme Ouis, toutefois, les conclusions de leur étude démontrent le contraire. "Nous avons constaté une forte corrélation entre les mariages précoces et les cas de plus en plus nombreux de violence domestique à l’égard des filles, ainsi qu’une augmentation du nombre de divorces chez les jeunes couples. Ensuite, vous avez le problème de la pauvreté, qui oblige certaines familles à marier leurs filles pour réduire le poids financier et les dépenses liées à l’éducation".

Les conditions de vie déplorables des filles et jeunes mères yéménites expliquent le mauvais classement du Yémen dans le Mothers’ Index 2007.. Sur les 33 pays les moins avancés, le Yémen figure à la 31e place. Les mariages précoces ont également un impact négatif sur le développement, selon Souha Bashren, chargée des politiques et campagnes d’Oxfam. Pour elle, il ne fait aucun doute que la pratique répandue des mariages précoces et ses répercussions sur la société sont la cause du recul du Yémen dans l’indice de développement humain (IDH) des Nations Unies, le pays étant passé de la 148e place, en 2000, à la 150e place, en 2007.

"Lorsque les filles sont mariées, elles sont confrontées à de graves troubles physiques et psychologiques parce que leur esprit et leur corps ne sont pas assez développés pour qu’elles assument pleinement le rôle d’épouse et de mère. En outre, leur manque de connaissances sur la santé de la reproduction pose d’énormes problèmes, étant donné que ces filles n’ont aucun soutien pour leur apprendre comment parler de leur vie sexuelle avec leur mari et du nombre d’enfants qu’elles voudraient avoir", a-t-elle affirmé. "C’est l’une des principales raisons pour lesquelles les femmes yéménites ont un taux de fécondité élevé, qui est d’environ 6,5 enfants. Lorsque ces filles tombent enceintes, le manque général de services sanitaires les oblige à accoucher à la maison. Seules 20 à 30 pour cent des femmes yéménites accouchent avec l’aide d’un personnel de santé qualifié", a-t-elle poursuivi.

L’édition 2007 du Global Gender Gap Index (Indice sur l’inégalité des sexes dans le monde) montre que les femmes yéménites vivent dans une société extrêmement inégale : à la 128e place, le Yémen est dernier du classement. Selon cet indice (établi par le Forum économique mondial), sur une échelle de notation où 0 et 1 représentent respectivement l’inégalité et l’égalité entre les femmes et les hommes, la note attribuée à l’émancipation et aux opportunités économiques des femmes yéménites était de 0,251, 0,565 pour le niveau d’éducation, 0,980 pour la santé et la survie et 0,008 pour l’influence politique.

Selon le docteur Hosnia el Kaderi, directrice du Gender-Development Research and Studies Centre de l’université de Sanaa, les mariages précoces sont la principale cause du manque d’accès à l’éducation, chez les filles, et du peu d’autonomie des femmes.

Elle explique que "Une fois mariées, les jeunes filles sont censées quitter l’école et s’engager dans des activités maternelles. C’est pour cette raison que chez les femmes yéménites, le taux d’illettrisme est supérieur à 70 pour cent… Malheureusement, je crains que ces filles ne soient confrontées à d’autres obstacles lorsqu’elles essaieront de poursuivre des études supérieures. En effet, la décision du gouvernement d’imposer deux années de service obligatoire dans l’enseignement et dans les centres de santé à 30 000 filles, à la fin de leurs études secondaires, aura un impact négatif sur leur capacité à poursuivre des études dans des établissements d’enseignement supérieur… Si ces filles ne sont pas mariées au début de leur service obligatoire, elles le seront certainement à la fin du service, deux ans plus tard. Dans la pratique, cela signifie que le faible nombre d’étudiantes inscrites actuellement dans les universités baissera encore plus".

IRIN.

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