Il y a environ 3,5 millions d’Arabo-Américains aux Etats-Unis. Selon un sondage effectué par Zogby en 2007, 61% des électeurs arabo-américains indiquent l’Irak comme la question primordiale de l’élection, et ils sont 66% à placer également “la Palestine” très haut sur la liste de leurs préoccupations.
Par DR. Ghassan Rubeiz*. Par le passé, les Arabo-Américains – et en particulier les plus aisés – votaient républicain. De nos jours, cependant, le même taux de 62 % des Arabo-Américains votent démocrate, contre 25 % qui votent républicain. Dans le vote du Super Mardi 5 février, les démocrates ont confirmé leur choix de deux candidats pour faire la course en tête : Hillary Clinton et Barack Obama. Ron Paul, le seul candidat républicain “colombe” que les Arabes sont enclins à soutenir, aura probablement vite fait de disparaître de la compétition.
Quelques jours avant le Super Mardi, les Arabes ont participé à un vote blanc électronique, parrainé par Al-Jazeera. Les spectateurs d’Al-Jazeera – pour la plupart des Arabes, ou des personnes qui s’intéressent aux affaires arabes – furent invités à exprimer par voie électronique leur choix pour la présidence des Etats-Unis. Une majorité, 61 %, a voté pour Obama, Ron Paul arrivant second, mais loin derrière, avec 10 %.
“Les Arabo-Américains doivent se sentir grandement réconfortés par les résultats des primaires démocrates de mardi dernier”, dit Abdeen Jabara, avocat des droits civiques, ancien président du Comité arabo-américain contre les discriminations. Et il poursuit : “Le message de changement lancé par le sénateur Obama rencontre une large résonance dans de vastes secteurs d’un public américain – dont font partie les Arabo-Américains – profondément déçu par le statu quo et par les remèdes du genre cautère sur une jambe de bois pour guérir les maux de la politique extérieure et intérieure des Etats-Unis. Ce fut véritablement un journée historique, et les Arabo-Américains peuvent être fiers de la part qu’ils y ont prise.”
Maysoon Haddad, une irako-américaine, est fascinée par ce Super Mardi. Comme un grand nombre d’Arabo-Américains et d’étrangers, elle est impressionnée par le respect qu’ont les Américains pour la légalité du processus électoral. “Américaine d’origine irakienne, j’observe le Super Mardi, j’admire le système, et j’apprécie cette démocratie authentique, en espérant voir cela se produire en Irak.”
Maysoon Haddad adopte le point de vue républicain sur le maintien de la présence militaire des Etats-Unis dans sa patrie d’origine : “J’attends un président qui soutienne la guerre de tout son coeur ; un président qui ne voudrait pas réduire trop vite la présence des Etats-Unis en Irak. Un retrait rapide des troupes serait une décision fatale.”
La communauté arabo-américaine de Dearborn, dans le Michigan, est forte de 300.000 personnes, et ayant des opinions très différentes sur l’ethnicité et la politique. M. Kay Siblani, administrateur du Dearborn Weekly: The Arab American News, soutient la candidature d’Obama, qui va, selon lui, réformer la politique américaine. “Le Super Mardi”, dit Siblani, a montré que les Arabo-Américains et les musulmans américains doivent forger des liens avec les électeurs afro-américains. Ils doivent tous unir leurs d’efforts pour assurer ensemble l’élection d’Obama.”
A Washington, Subhi Ghand dirige un centre pour le dialogue politique et culturel. Son bulletin d’information électronique, Alhewar, jouit d’une bonne réputation et est largement diffusé parmi les intellectuels arabes. Dans une conversation que j’ai eue avec lui sur les élections américaines, il m’a expliqué que les Arabes n’ont pas de meilleur choix qu’Obama “s’agissant de faire avancer le processus de paix arabo-israélien, de mettre fin par la voie diplomatique à l’occupation de l’Irak et d’ouvrir des voies de dialogue avec l’Iran et la Syrie ”.
Obama, en bon rassembleur de communauté qu’il est, est conscient de la valeur de l’écoute et du respect de l’adversaire. Il se rend compte que les régimes syrien et iranien sont à prendre au sérieux, mais il sait que leurs griefs sont bien réels et méritent négociation. Subhi Ghandour ajoute qu’on ne peut pas attendre d’Obama qu’il observe le monde entier à travers le prisme palestinien. “Les Arabo-Américains doivent choisir entre les candidats en présence, même si aucun d’entre eux n’est taillé sur mesure pour répondre exactement aux exigences des Arabes.”
On peut compter sur Obama pour défendre Israël. Cependant, il estime que plus Israël repousse la solution définitive du conflit, plus sa sécurité sera menacée. De même, il sait parfaitement que les Palestiniens ne pourront vaincre qu’en se dotant d’une stratégie de non-violence et de responsabilité accordée à la société civile.
Quant aux sentiments des Arabes au sujet d’Obama, ils sont loin d’être uniformes, surtout parmi les Palestiniens. L’ Electronic Intifada, site internet des activistes palestiniens, a vertement critiqué le sénateur de l’Illinois, qui n’avait “pas un mot de critique à l’égard d’Israël, de sa colonisation sans merci, de la construction du mur et des enfermements qui rendent invivable le quotidien de millions de Palestiniens.“
Lors du Super Mardi, à mi-course de la campagne, Obama a frisé le taux de popularité d’Hillary Clinton. Désormais, après le dernier groupe de primaires, il fait la course en tête. Pour un grand nombre de ses partisans, il accélèrera son avance dans les mois qui viennent et c’est lui qui sera choisi par les démocrates pour affronter John McCain, le candidat probable des républicains.
Les partisans arabo-américains d’Obama voient en lui une telle richesse internationale, interconfessionnelle et interraciale qu’il fera forcément de l’Amérique un pays plus inclusif – tant au plan intérieur que mondial. Cet Américain de confession chrétienne a le don de respecter et d’apprécier l’islam. Il est tout à la fois un leader américain et un citoyen du village mondial.
Pour les Arabo-Américains, l’élection présidentielle de 2008 offre une occasion stratégique de créer un lien entre les Etats-Unis et le monde arabe, non par la guerre et la crainte de la terreur, mais bien par les idées et les idéaux.
* Dr. Ghassan Rubeiz, politologue libano-américain et spécialiste du Moyen-Orient, ancien directeur du Conseil Œcuménique pour le Moyen-Orient.
CGNEWS – Daily Star
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