Débat autour du voile intégral en Egypte

femme voilée en Egypte
femme voilée en egypte

La question du voile intégral, comme la burqa ou le niqab, ne suscite pas le débat uniquement en France, là où, laïcité exige, elle pose un certain nombre d’interrogations au sein de la société française, mais la question anime également de nombreuses sociétés au sein du Moyen-Orient et dans le monde musulman.

Nombreux sont les exemples montrant cette interrogation, sinon agitation, de ces sociétés moyen-orientales en ce qui concerne la question hautement sensible qui relève du code vestimentaire des femmes musulmanes. Il y a l’exemple de cette journaliste soudanaise, Lubna Hussein, qui avait courageusement bravé la justice de son pays pour l’avoir condamné parce qu’elle portait un pantalon. Plus récemment encore, en octobre dernier, quatre koweitiennes élues au parlement de leur pays avaient fait face aux plus conservateurs qui voulaient leur imposer le port du voile. Finalement, et après une rude bataille juridique, la cour constitutionnelle du pays leur avait donné raison, elles ne sont pas obligées de porter le hijab.

Mais le cas de l’Egypte est encore plus démonstratif du débat que suscite la question du voile intégral. D’abord, il serait intéressant de noter l’avis de certains dignitaires religieux égyptiens qui affirment que le niqab (voile où seuls les yeux de la femme sont visibles) n’est pas une prescription religieuse et que le port du voile intégral est un choix personnel, ne relevant pas d’une obligation imposée par la religion musulmane. En effet, la montée du port du niqab en Egypte inquiète certains responsables religieux car ils y voient là une montée d’un islam plus fondamentaliste. C’est le cas du recteur de la mosquée d’Al-Azhar, une des principales références théologiques dans le monde musulman. Il déclare que le niqab n’est qu’une tradition emportée des pays du Golf, là où des milliers de travailleurs égyptiens sont installés. Il y a quelques mois, il est allé jusqu’à appeler à interdire le niqab dans les lycées non mixtes. Ce qui a renforcé la position du gouvernement égyptien d’interdire l’accès aux cités et campus universitaires aux étudiantes portant le niqab, et une décision ministérielle a été élaborée dans ce sens.

Ainsi, et depuis quelques mois, le pays est le théâtre d’ardents débats enflammés. Les milieux conservateurs ont crié au scandale, c’est la première fois qu’une telle question d’interdiction soit levée, un tabou est enfin dépassé. Dernier rebondissement en date, un  tribunal égyptien vient de confirmer la décision gouvernementale d’interdire le niqab les salles d’examens des universités; même si la décision n’est justifiée que par des raisons de sécurité et pour combattre la tricherie, des étudiants qui passeraient pour des femmes voilées pendant un examen, par exemple. La réponse des conservateurs ne s’est pas faite attendre. Quelques étudiantes ont tenté de déjouer la décision du tribunal en portant des masques chirurgicaux. Huit autres étudiantes ont refusé de se rendre aux examens non voilées.

Dire que la question est de plus sensible dans un pays comme l’Egypte, le pays fait face à une montée des mouvements islamistes dans un contexte économique, politique et social tendu. De plus, toute idée de loi venant de la part du gouvernement égyptien pour combattre le voile intégral peut être considérée comme une mesure imposée visant à la fois de combattre le niqab en tant que symbole de l’extrémisme mais aussi en tant que symbole de l’opposition au régime, puisque les islamistes sont populaires dans le pays, d’où la complexité et la difficulté de la tâche.

Là où dans les pays laïcs et démocratiques, cette question peut se régler par des mesures législatives, ce qui est le cas pour le port du voile dans les écoles en France par exemple, les choses deviennent davantage compliquées dans un pays comme l’Egypte. Il est difficile de donner la recette magique, pour ou contre une loi, car même si on est d’accord pour combattre ce symbole qui va à l’encontre de la dignité des femmes, on peut en même temps craindre qu’une telle imposition faite dans un pays dominé par les islamistes ne fasse que fortifier leur position, et surtout leur influence. C’est le risque. C’est aussi le défi des modérés et des laïques dans les pays musulmans. A moyen et long terme, c’est l’éducation, l’émancipation des femmes et le développement économique et social (mais aussi démocratique) qui fera sans doute la différence et qui affaiblira la position des conservateurs. A court terme, il serait peut-être moins risqué de recourir à la négociation pour trouver des compromis, si c’est possible, histoire aussi de couper l’herbe sous les pieds de ces conservateurs… En attendant, espérons-le un jour, la réelle séparation entre la religion et l’état. Un long et difficile chemin reste encore à prendre…

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