
Tony Blair pressenti pour superviser Gaza dans le plan Trump : une opportunité de reconstruction ou un pari risqué ?
Contexte : ce que propose le plan Trump
Le plan américano-israélien en 21 points prévoit un cessez-le-feu, un échange otages-prisonniers, un désarmement du Hamas, un retrait israélien par phases, et la création d’une gouvernance transitoire à Gaza composée de « Palestiniens qualifiés » et d’experts internationaux. Cette gouvernance serait supervisée par un organe international – appelé « Board of Peace » ou Gaza International Transitional Authority (GITA) dans certaines versions – où Tony Blair est pressenti pour jouer un rôle de chef de file/président exécutif.
Plusieurs sources détaillent des éléments proches : autorité suprême internationale à durée limitée, coordination avec une force multinationale et un pilier investissement/reconstruction
Pourquoi Tony Blair à Gaza ?
Washington a testé l’idée : l’ex-Premier ministre britannique, ancien envoyé du Quartet au Proche-Orient (2007-2015), piloterait la transition et la reconstruction, avec un mandat adossé aux partenaires arabes et occidentaux. L’option Blair est sérieusement étudiée à la Maison Blanche et discutée avec Israël et des acteurs arabes.
Les points positifs d’une supervision Tony Blair
1) Expérience de haut niveau & réseau international
Blair a déjà travaillé sur les dossiers économiques et institutionnels palestiniens, dispose d’entrées à Washington, Londres, Jérusalem, dans le Golfe, et connaît l’écosystème des bailleurs. Cela peut accélérer la mobilisation financière et la coordination inter-agences pour la reconstruction.
2) Lisibilité et centre de gravité unique
Une autorité clairement identifiée (GITA/Board of Peace), avec un chef politique visible, peut réduire la fragmentation bureaucratique des efforts humanitaires, sécuritaires et économiques, condition clé pour passer du secours à la stabilisation. Les brouillons évoquent une architecture hiérarchique et des guichets d’investissement.
3) Capacité à arrimer des partenaires arabes et européens
Si l’Arabie saoudite, l’Égypte, le Qatar, les Émirats et les Européens s’alignent, l’effet de levier financier et diplomatique pourrait être significatif, surtout si la supervision n’enterre pas la perspective d’une unification avec la Cisjordanie réformée.
Les angles morts
1) Fort rejet symbolique côté arabe et palestinien
Blair reste associé à l’Irak 2003 et à une image interventionniste. Son nom ravive la critique d’un « tutelle occidentale » et peut crisper l’opinion publique palestinienne et régionale, fragilisant la légitimité locale de la transition.
2) Flou sur l’articulation avec l’Autorité palestinienne (AP)
Le plan écarte ou marginalise l’AP à court terme, ce que Paris et Riyad jugent problématique : sans feuille de route claire vers une gouvernance palestinienne unifiée et vers un État, des partenaires clés pourraient freiner.
3) Risque de mandat sans horizon politique
Plusieurs critiques pointent l’absence de timeline précise pour le retrait israélien et le transfert de compétences. Une transition à durée indéterminée deviendrait ingouvernable et nourrirait l’accusation de « protectorat ».
4) Conditions de sécurité très exigeantes
Le désarmement du Hamas et la mise en place d’une force multinationale sont des prérequis difficiles. Sans adhésion minimale du Hamas (ou son affaiblissement décisif), aucune autorité transitoire ne pourra opérer durablement.
Les conditions de réussite (minimum vital)
1) Paquet séquencé « Sécurité ↔ Politique ↔ Économie »
– Sécurité : cessez-le-feu, mécanisme de vérification, police palestinienne formée, présence internationale à mandat clair.
– Politique : calendrier de transfert vers une entité palestinienne réformée (Cisjordanie/Gaza), garde-fous juridiques et inclusion d’acteurs palestiniens crédibles non affiliés au Hamas.
– Économie : fonds fiduciaire pour la reconstruction, priorités (eau, électricité, hôpitaux, logements), contrôles anticorruption, guichet « PME & emplois jeunes ».
2) Parapluie diplomatique arabo-occidental
La France, l’UE et des pays arabes clés demandent des assurances sur l’horizon étatique et la protection des droits. Ces exigences risquent de fragiliser l’adhésion régionale.
3) Communication locale et légitimation
Il faudra palestiniser la transition avec des visages en dehors du Hamas : donner des visages palestiniens à l’exécutif quotidien, des mécanismes de consultation communautaire et protéger les biens/fonciers (Property Rights) pour éviter un ressentiment massif.
Les scénarios (du plus crédible au plus risqué)
Scénario A — Supervision Blair limitée & transitoire (le plus viable ?)
Blair préside une instance de supervision aux pouvoirs bornés, avec mandat de 12–18 mois, objectifs mesurables (sécurité de base, électricité/eau, reprise scolaire, 100 000 logements priorisés), et transfert programmé à une gouvernance palestinienne réformée. Chances : moyennes si un noyau d’États arabes s’engage et si la sécurité tient.
Scénario B — Blair exécutif fort / GITA élargie
Autorité puissante, agenda reconstruction XXL, présence sécuritaire robuste. Risque : rejet local et accusations de néocolonialisme ; coût politique pour les partenaires.
Scénario C — Échec d’entrée en fonction
Pas d’accord Hamas, violences persistantes, veto d’acteurs régionaux : la proposition Blair devient un sparadrap diplomatique.
Verdict : Blair, -t-il une chance ?
Oui, sous conditions strictes :
- Mandat court, borné et lisible, avec palestinisation réelle de l’exécutif.
- Package financier + sécuritaire crédible, incluant partenaires arabes et européens.
Non, si Blair incarne une tutelle occidentale sans horizon politique clair ni inclusion palestinienne, ou si la sécurité de base n’est pas assurée. Dans ce cas, sa nomination deviendrait contre-productive.
À surveiller dans les prochains jours
- La fenêtre de réponse donnée au Hamas et la teneur de sa réponse.
- Le format exact du mandat (Board of Peace vs GITA) publié par Washington.
- Les lignes rouges de Paris/Riyad/Le Caire/Doha sur l’AP et l’horizon étatique.