
La transition énergétique du Golfe. Au Moyen-Orient, la consommation d’électricité croît à un rythme fulgurant, portée par une urbanisation galopante, le dessalement de l’eau et une dépendance accrue à la climatisation. L’Agence internationale de l’énergie (IEA) tire la sonnette d’alarme face à cette pression énergétique. Arabie saoudite, Émirats, Oman et Qatar accélèrent leur transition énergétique avec des projets solaires, nucléaires et des interconnexions régionales.
Une demande électrique en surchauffe
D’après l’IEA, la consommation d’électricité au Moyen-Orient devrait bondir de 33 % d’ici 2030, l’une des croissances les plus rapides au monde. Trois facteurs principaux expliquent cette envolée :
- Climatisation : avec des températures dépassant les 45 °C, elle engloutit jusqu’à 70 % de la demande estivale dans certains pays.
- Dessalement : essentiel pour l’eau potable, ce processus énergivore représente une part croissante de la consommation régionale.
- Urbanisation et industrialisation : une population jeune et des projets d’infrastructures massifs (villes intelligentes, zones industrielles) dopent les besoins énergétiques.
Face à cette trajectoire, les pays du Golfe doivent concilier croissance économique, réduction des émissions de CO₂ et dépendance persistante aux hydrocarbures.
Arabie saoudite : du pétrole au solaire et à l’atome
Dans le cadre de Vision 2030, Riyad ambitionne de devenir un pionnier des énergies propres tout en restant le géant mondial du pétrole.
- Solaire ambitieux : le projet Sudair Solar PV (1,5 GW, coût estimé à 0,03 $/kWh, parmi les plus compétitifs au monde) illustre cette volonté. D’autres parcs solaires sont en cours pour atteindre 50 GW d’ici 2035.
- Nucléaire civil : un premier réacteur est en projet, mais des défis comme la gestion des déchets radioactifs et la sécurité freinent son déploiement.
- Hydrogène vert : l’Arabie saoudite investit massivement dans ce carburant du futur, avec des usines comme NEOM Green Hydrogen visant l’export vers l’Europe et l’Asie.
Paradoxe : les revenus pétroliers financent ces projets, mais la dépendance aux hydrocarbures reste un frein à une transition totale.
Émirats arabes unis : un laboratoire énergétique
Les Émirats se distinguent comme des précurseurs dans la région.
- Nucléaire opérationnel : la centrale de Barakah, inaugurée en 2021, fournit 25 % de l’électricité nationale avec ses quatre réacteurs (5,6 GW au total). Elle réduit la dépendance au gaz tout en posant des questions sur la gestion des déchets.
- Solaire géant : le parc Mohammed ben Rashid Al-Maktoum à Dubaï vise 5 GW d’ici 2030, avec des coûts de production parmi les plus bas au monde (≈0,02 $/kWh).
- Interconnexions : Abu Dhabi renforce les réseaux électriques régionaux via le GCC Interconnection Authority, optimisant l’offre et la demande avec ses voisins.
Les Émirats investissent aussi dans des technologies émergentes, comme le stockage par batteries, et forment une main-d’œuvre locale pour soutenir cette industrie naissante.
Oman et Qatar : adaptation et pragmatisme
- Oman, limité en ressources pétrolières, accélère sa diversification :
- projets solaires et éoliens dans le désert, comme la Dhofar Wind Farm (50 MW) ;
- développement de l’hydrogène vert avec des partenariats internationaux pour exporter vers l’Asie ;
- coopération régionale pour partager les ressources énergétiques.
- Qatar, géant du gaz, adopte une approche hybride :
- le parc solaire d’Al Kharsaah (800 MW) réduit la pression sur le gaz naturel liquéfié (GNL) ;
- le GNL reste présenté comme une énergie de transition, malgré son impact carbone ;
- innovations en cours, comme l’intelligence artificielle pour optimiser les réseaux électriques.
Interconnexions régionales : un avenir partagé
La coopération régionale devient un levier stratégique.
- Le GCC Interconnection Authority relie déjà les réseaux électriques de six pays du Golfe, mutualisant les capacités.
- De nouveaux projets visent à étendre ce maillage vers l’Irak, la Jordanie et même l’Europe, via des câbles sous-marins.
Ces interconnexions pourraient réduire les coûts, sécuriser l’approvisionnement et faciliter l’intégration des énergies renouvelables, dont la production est variable.
Un enjeu planétaire
La transition énergétique du Golfe dépasse les frontières régionales. En tant que fournisseurs majeurs d’hydrocarbures, les choix du Golfe influencent l’équilibre énergétique mondial.
- Leur succès dans le solaire, le nucléaire ou l’hydrogène vert pourrait accélérer la lutte contre le réchauffement climatique.
- Mais l’équation reste complexe : la rente pétrolière finance la transition, tout en freinant son élan.
Perspectives : l’adoption de technologies comme le stockage d’énergie à grande échelle ou l’IA pour optimiser les réseaux pourrait transformer la région en hub d’innovation énergétique. La création de milliers d’emplois qualifiés dans les renouvelables renforcerait aussi l’attractivité économique du Golfe.
Lire aussi : L’hydrogène vert : le pari du Golfe pour l’énergie de demain