
Du tarab arabe, incarné par Oum Kalthoum et Fairouz, aux musiques israélo-orientales nées en Israël, la musique révèle un contraste saisissant : d’un côté, l’art instrumentalisé pour glorifier la haine d’Israël, de l’autre, une créativité qui fusionne héritages orientaux et modernité.
La musique comme miroir d’une identité collective
La musique a toujours été un langage identitaire au Moyen-Orient. Le tarab arabe, avec ses grandes figures – Oum Kalthoum, Abdel Halim Hafez, Fairouz – a façonné l’imaginaire d’un monde arabe porté par la nostalgie et l’émotion. Ces voix ont exprimé à la fois un raffinement artistique et une charge politique. Car loin de n’être que l’écho d’une culture, elles ont aussi servi de caisse de résonance à des discours nationalistes, glorifiant la guerre contre Israël et justifiant la violence.
Le tarab : beauté musicale, haine politique
Dans les années 1950-1970, le tarab est devenu un instrument de mobilisation.
- Oum Kalthoum chantait l’unité arabe et la victoire sur « l’ennemi sioniste ».
- Abdel Halim Hafez exaltait la « libération de la Palestine » dans des chants guerriers.
- Même Fairouz, icône de la poésie musicale, n’a pas échappé à l’instrumentalisation politique, prêtant sa voix à des hymnes de rejet.
La grandeur artistique de ces figures est indéniable. Mais leur héritage est ambigu : elles ont nourri une culture collective où l’excellence musicale se doublait d’une idéologie hostile à Israël.
Israël : de l’exil musical à la fusion identitaire
De l’autre côté, Israël a intégré l’héritage musical des juifs orientaux venus d’Irak, du Yémen, du Maroc ou d’Égypte. Ces musiques, parfois méprisées dans les débuts de l’État, se sont peu à peu imposées. La musique mizrahie, popularisée par Zohar Argov puis par Eyal Golan, est devenue un pilier de la culture israélienne.
Mais Israël ne s’est pas contenté de préserver : il a fusionné.
- Jazz oriental où l’oud dialogue avec le saxophone.
- Rock et musiques électroniques intégrant des maqâms arabes.
- Chants traditionnels judéo-arabes réinventés dans des formats modernes.
Là où le monde arabe a figé le tarab dans la nostalgie et l’idéologie, Israël en a fait un laboratoire vivant d’hybridation culturelle.
Le paradoxe : haine d’Israël vs héritage partagé
Le paradoxe est frappant : les mêmes artistes arabes qui glorifiaient la haine d’Israël et légitimaient la violence sont encore chantés en Israël, mais sous une autre lumière. Des musiciens israéliens reprennent Oum Kalthoum, revisitent les mélodies de Fairouz, intègrent les maqâms dans un répertoire moderne.
La musique devient alors un champ de réappropriation : ce que le monde arabe utilisait pour alimenter le rejet d’Israël devient, pour les Israéliens, un pont identitaire et une source de créativité.
Une leçon culturelle et politique
Ce contraste révèle plus qu’une simple différence musicale : il illustre deux visions de la culture.
- Dans le monde arabe : une exaltation d’un âge d’or musical, figé dans la glorification de la lutte et incapable d’innover.
- En Israël : une dynamique de fusion, d’invention et d’identité multiple, qui transforme la mémoire en avenir.
La musique, miroir des sociétés, dit ici une vérité politique : là où certains entretiennent la haine, d’autres créent des passerelles.