Moyen-Orient – USA -Arabie saoudite. Quand Washington et Riyad annoncent, les 18 et 19 novembre 2025, un méga-pacte de 600 milliards de dollars immédiatement mobilisables — avec une trajectoire dépassant les 1 000 milliards sur dix ans —, ce n’est pas qu’une transaction : c’est un signal tectonique. Ce deal colossal, le plus important jamais conclu entre les deux pays, dépasse de très loin le vieux schéma « pétrole contre sécurité ». Il redessine les équilibres stratégiques, technologiques et économiques de tout le Moyen-Orient. Pourquoi maintenant ? Comment ça change la donne ? Et quelles conséquences pour les acteurs régionaux ?
Vers un nouveau paradigme de partenariat
L’accord officialisé cette semaine à la Maison Blanche porte sur 600 milliards de dollars d’engagements concrets et immédiatement exécutables, avec un objectif global supérieur à 1 000 milliards de dollars à l’horizon 2035. Il ne se limite plus à l’énergie ou à la défense : il englobe technologie de pointe, infrastructures critiques, semi-conducteurs, intelligence artificielle, hydrogène vert, espace, aviation et logistique.
La dimension nucléaire civile est bien présente, mais avec la garantie saoudienne réaffirmée de ne pas enrichir d’uranium sur son sol — un point clé qui lève les dernières réticences américaines. Riyad ne veut plus être seulement un client richissime : elle se positionne comme co-concepteur, investisseur stratégique et future plaque tournante technologique mondiale. Cet accord est la traduction concrète de l’Arabie post-pétrolière que Mohammed ben Salmane dessine depuis 2016 avec Vision 2030.
Enjeux pour Israël et pour les Accords d’Abraham
L’un des effets les plus spectaculaires concerne Israël et l’architecture de sécurité régionale. Jusqu’ici, l’extension des Accords d’Abraham semblait conditionner tout rapprochement arabo-américain à une normalisation visible avec l’État hébreu. Ce pacte change la donne : Riyad obtient un statut de partenaire stratégique majeur sans passer par une normalisation publique immédiate.
Pour Jérusalem, c’est un moment délicat. L’alliance avec Washington reste intacte, mais l’autonomie diplomatique et économique saoudienne réduit mécaniquement le levier israélien sur les décisions américaines dans le Golfe. Le message est limpide : certains États arabes n’attendent plus l’aval de quiconque pour avancer leurs intérêts.
Les dimensions géo-économiques et technologiques
Oubliez le cliché du chèque pétrolier. Les 600 milliards se répartissent ainsi (chiffres déjà rendus publics) :
- 142 milliards en contrats défense (nouveaux et accélérés)
- 270 milliards via Aramco et les chaînes d’approvisionnement énergie
- Des centaines de milliards supplémentaires en IA, cloud, semi-conducteurs, hydrogène, mining de minerais critiques et infrastructures intelligentes
C’est la diversification saoudienne à marche forcée, soutenue par le leader mondial technologique. Riyad veut devenir le hub entre l’Asie, l’Europe et l’Amérique, maître des flux physiques et numériques. Les Émirats, le Qatar et même Oman regardent ça de très près : la compétition régionale pour attirer les mêmes géants tech (Nvidia, Google, Microsoft, xAI…) vient de passer à la vitesse supérieure.
Une redéfinition de la géopolitique régionale
Ce pacte acte la fin du modèle purement militaire américain dans le Golfe. Les bases restent, mais le cœur de la relation se déplace vers l’industrie, les data centers, les usines de puces et les pipelines d’hydrogène. L’Arabie saoudite se pose en pivot tripolaire : Occident, Asie, monde musulman.
Israël demeure incontournable sur le plan sécuritaire, mais son rôle évolue. L’Iran, la Turquie et le Qatar ajustent déjà leurs stratégies. Et surtout, la coopération régionale future ne passera plus uniquement par Washington : des partenariats bilatéraux ou trilatéraux (USA–Arabie–Corée, USA–Arabie–Japon, etc.) se multiplient, tous centrés sur la tech et l’énergie du futur.
Limites, risques et incertitudes
Rien n’est jamais acquis. Ce méga-contrat porte des risques :
- dépendance technologique accrue vis-à-vis des États-Unis
- tensions internes possibles entre ouverture et contrôle souverain
- réticences écologiques face à certains projets
- mise en œuvre qui peut s’étaler sur des années (gouvernance, formation, transparence)
- réactions des rivaux régionaux qui se sentent marginalisés
Enfin, tout dépendra de la stabilité politique américaine : un changement d’administration en 2028 pourrait ralentir certains volets.
Un nouveau chapitre régional
Les 600 milliards de dollars d’aujourd’hui (et le trillion à venir) ne règlent ni le conflit israélo-palestinien, ni les tensions avec l’Iran, ni les crises yéménite ou syrienne. Mais ils marquent un basculement historique : la technologie, l’économie et les infrastructures deviennent les nouveaux champs de bataille de la puissance.
Focus Moyen-Orient.fr
Le Moyen-Orient n’est plus seulement le théâtre des stratégies des autres : il impose désormais ses propres termes. Et ce pacte USA–Arabie, le plus massif de l’histoire contemporaine, en est la preuve éclatante.