L’annexion de la Cisjordanie : pourquoi le sujet revient dans le débat israélien ?

L’annexion de la Cisjordanie : pourquoi le sujet revient dans le débat israélien ?

L’annexion revient en Israël. Le débat sur une possible annexion de la Cisjordanie (Judée-Samarie) refait surface, porté à la fois par les courants religieux-nationalistes, par les impératifs de sécurité après le 7 octobre, et par les calculs politiques de Benyamin Netanyahou. Entre mémoire du retrait de Gaza, menace du Hamas et perspectives régionales comme les accords d’Abraham, le sujet illustre les dilemmes stratégiques de l’État hébreu.

Un dossier ancien réactivé

L’idée d’une annexion, partielle ou totale, de la Cisjordanie — que les Israéliens nomment Judée-Samarie — n’est pas nouvelle. Elle ressurgit aujourd’hui dans le débat israélien pour des raisons à la fois politiques, sécuritaires et diplomatiques.

Le poids du courant religieux-nationaliste

Au sein du paysage politique israélien, le sionisme religieux occupe une place visible mais minoritaire (10 à 15 sièges à la Knesset). Sa conviction est que cette terre, au cœur de la tradition biblique (Hébron fut la première capitale du roi David avant Jérusalem), appartient par essence au peuple juif. Cette approche idéologique reste cependant loin de représenter la majorité des Israéliens.

La logique des « territoires contre la paix » remise en cause

Durant plusieurs décennies, la majorité israélienne a soutenu l’idée d’échanges territoriaux en contrepartie d’accords de paix, comme ce fut le cas avec l’Égypte (1979) puis la Jordanie (1994). Mais la perspective d’un État palestinien n’a plus la même crédibilité : beaucoup d’Israéliens estiment que cette équation n’apporterait pas la sécurité promise.

Le traumatisme du retrait de Gaza

Le désengagement de 2005, pensé comme un premier pas vers un compromis territorial, a profondément marqué l’opinion. L’espoir d’une stabilisation a été suivi d’une intensification des tirs de roquettes depuis Gaza et du maintien d’attentats en Israël. Aux yeux de nombreux Israéliens, la promesse « retrait = paix » a perdu toute valeur.

L’effet du 7 octobre 2023

L’attaque du Hamas a radicalement changé les perceptions. Elle a montré que l’existence d’une frontière n’était pas une garantie de sécurité. Pour beaucoup d’Israéliens, se retirer de Cisjordanie reviendrait à exposer directement le centre du pays, poumon démographique et économique, à de nouvelles menaces.

Plus de contrôle, moins de vulnérabilité

Dans ce contexte, une majorité de l’opinion n’exige pas forcément une annexion totale, mais souhaite davantage de contrôle territorial. Le sentiment dominant est que la sécurité passe par la présence sur le terrain plutôt que par des retraits.

Entre tactique politique et diplomatie régionale

L’annonce de revendications maximalistes, comme celles portées par le ministre Bezalel Smotrich, est perçue par plusieurs analystes comme une tactique de négociation plus qu’un programme immédiat. Dans la logique du Proche-Orient, la démonstration de force et la menace servent souvent de levier dans les discussions, plus que la bonne volonté affichée.

Une réponse indirecte au Hamas

Certains responsables israéliens veulent aussi envoyer un signal au Hamas : l’attaque du 7 octobre ne conduira pas à une reconnaissance accrue d’un État palestinien, mais au contraire à une réduction des perspectives de souveraineté. Une logique d’incitation et de sanction qui s’inspire d’approches déjà expérimentées sous Donald Trump.

Les marges de manœuvre de Netanyahu

Dans un système de coalition, le Premier ministre peut garder une certaine distance vis-à-vis des déclarations de ses ministres, tout en conservant un espace de négociation multiple : sur la scène intérieure, avec ses alliés religieux, et sur la scène internationale, avec Washington ou Riyad.

Une séquence régionale plus large

Une annexion, même partielle, pourrait être perçue comme une concession symbolique au sionisme religieux, favorisant en retour une plus grande souplesse pour négocier un cessez-le-feu durable à Gaza. Elle s’inscrirait aussi dans une dynamique régionale plus large, où la normalisation avec l’Arabie saoudite et l’élargissement des accords d’Abraham restent en arrière-plan.

Conclusion

Le retour du thème de l’annexion en Israël n’exprime pas seulement un choix idéologique. Il reflète un contexte où les leçons du retrait de Gaza, le choc du 7 octobre et les logiques de négociation au Moyen-Orient redessinent les équilibres. Plutôt qu’un consensus immédiat, c’est une tactique politique et diplomatique qui domine : afficher la fermeté pour négocier, dans une région où la perception de la force reste un langage incontournable.