
En 1916, en pleine Première Guerre mondiale, la révolte arabe éclata, portée par Hussein ben Ali, chérif de La Mecque, avec l’appui des Britanniques.
Présentée comme une quête d’un grand royaume arabe libéré de la domination ottomane, elle devint une légende, amplifiée par la figure de Lawrence d’Arabie. Mais derrière ce mythe se cachent des réalités complexes : alliances tribales fragiles, promesses coloniales contradictoires et désillusions politiques.
Cet épisode, à la fois héroïque et tragique, reste un jalon clé pour comprendre le nationalisme arabe et les relations ambivalentes avec l’Occident.
Hussein ben Ali : un chef en quête de légitimité
Hussein ben Ali, gardien des Lieux saints et chef des Hachémites, se positionnait comme le leader d’un renouveau arabe face à un Empire ottoman affaibli.
Ses ambitions mêlaient :
- Motivations religieuses : restaurer une autorité arabe sur le califat, perçu comme dévoyé par les Ottomans.
- Objectifs politiques : fonder un royaume unifiant la péninsule Arabique et le Levant sous l’égide hachémite.
En juin 1916, il lança la révolte, mobilisant environ 30 000 combattants, principalement des tribus bédouines. Le drapeau de la révolte, aux couleurs panarabes, devint un symbole repris par la Jordanie, la Syrie, l’Irak et la Palestine.
Le soutien britannique, français et la figure de Lawrence
Pour les Alliés, la révolte était une opportunité stratégique : affaiblir l’Empire ottoman, allié de l’Allemagne, et sécuriser le canal de Suez, vital pour 1,5 million de tonnes de marchandises mensuelles.
- La correspondance Hussein-McMahon (1915-1916) promettait à Hussein un royaume arabe en échange de son engagement militaire.
- Les Français, bien que moins impliqués, soutenaient l’effort via des conseillers et des subsides, espérant consolider leur influence au Levant.
Thomas Edward Lawrence, jeune officier britannique, joua un rôle clé comme stratège auprès des forces arabes, notamment aux côtés de Fayçal, fils de Hussein.
Ses mémoires et le film Lawrence of Arabia (1962) firent de la révolte une épopée romantique dans l’imaginaire occidental, éclipsant souvent les contributions arabes.
Les succès militaires et l’élan nationaliste
La révolte remporta des succès significatifs :
- Prise de La Mecque (1916) : environ 5 000 combattants arabes chassèrent la garnison ottomane.
- Prise d’Akaba (1917) : menée par Fayçal et Auda Abu Tayi, chef de la tribu Howeitat, elle sécurisa un port stratégique.
- Guérilla ferroviaire : les attaques contre le chemin de fer du Hedjaz, reliant Damas à Médine, désorganisèrent les 100 000 soldats ottomans dans la région.
- Marche sur Damas (1918) : les 10 000 hommes de Fayçal, soutenus par les Alliés, contribuèrent à la victoire finale.
Ces victoires, bien que limitées à certaines tribus, nourrirent l’idée d’une cause arabe commune, portée par des figures comme Fayçal et Auda.
Impacts sociaux et économiques
La révolte bouleversa les sociétés arabes :
- Les subsides britanniques (environ 200 000 livres sterling par mois) enrichirent certaines tribus mais accentuèrent les inégalités et les rivalités locales.
- Les combats perturbèrent les routes commerciales du Hedjaz, provoquant des pénuries alimentaires dans les villes.
- L’arrivée d’officiers britanniques et français introduisit des idées nouvelles (nationalisme, modernité) parmi les élites urbaines, tandis que les Bédouins restaient attachés à leurs traditions.
L’échec politique : fragmentation et trahisons
Malgré ses succès, la révolte échoua politiquement :
- Fragmentation tribale : les 30 000 combattants étaient divisés par des loyautés locales. Auda Abu Tayi, par exemple, oscillait entre fidélité à Hussein et intérêts tribaux.
- Trahisons coloniales : les accords Sykes-Picot (1916) partagèrent secrètement le Moyen-Orient entre la France (Syrie, Liban) et la Grande-Bretagne (Irak, Jordanie, Palestine). La Déclaration Balfour (1917), soutenant un foyer national juif en Palestine, contredisait les promesses arabes.
- Mandats coloniaux : à la fin de la guerre, l’idéal d’un royaume arabe s’effondra, remplacé par des mandats coloniaux. Fayçal, brièvement roi de Syrie, fut expulsé par les Français en 1920.
Héritage et portée symbolique
Malgré son échec, la révolte a marqué l’histoire :
- Un mythe fondateur : elle incarne la première tentative d’unité arabe, inspirant la création de la Ligue arabe (1945) et les luttes anticoloniales.
- Un sentiment de trahison : la duplicité franco-britannique alimenta une méfiance durable envers l’Occident, encore visible dans les discours nationalistes modernes.
- Un symbole durable : les couleurs du drapeau de la révolte influencent les identités nationales arabes.
La révolte arabe de 1916 fut plus qu’une insurrection contre l’Empire ottoman :
- Elle symbolisa l’aspiration à l’unité et à l’indépendance arabes.
- Elle révéla la fragilité des alliances tribales et la duplicité des puissances coloniales.
- Elle posa les bases du nationalisme arabe, influençant des mouvements comme le panarabisme de Nasser ou la lutte palestinienne.