
Gaza sous influence turco-qatarie ? Le risque d’une présence permanente qui redessine la région.
Selon un article récent d’IsraJ, déjà 500 millions de dollars qataris injectés à Gaza en 2024. Mais et si cela ouvrait la porte à 10 000 agents turco-qataris d’ici 2026 ?
L’idée que la Turquie et le Qatar pourraient acquérir une présence durable à Gaza suscite des inquiétudes stratégiques majeures.
Selon l’article d’IsraJ, alors que l’après-guerre s’annonce, certaines « voix en Israël » — dont l’analyste Yinon Magal sur X — mettent en garde : le vide laissé par Tsahal pourrait être comblé par des forces turques ou qataries, transformant une présence initialement temporaire en influence permanente.
Cette perspective ajoute une dimension concrète au dilemme du rôle de garant assigné aux deux États dans le plan Trump. Au-delà d’un simple rôle diplomatique ou humanitaire, cette « montée en puissance » territoriale entraînerait des répercussions profondes pour l’équilibre régional, la souveraineté de fait et les intérêts d’Israël.
Avantage potentiel pour Tel-Aviv : déléguer le coût humanitaire sans perdre le veto stratégique.
Un vide stratégique que d’autres pourraient combler
L’article insiste sur trois points saillants :
- Comblement du vide stratégique laissé par Israël
Israël pourrait juger non viable le maintien d’une présence directe pour des raisons de coût, de pression internationale ou d’image. Si Ankara ou Doha assurent la gouvernance civile, la sécurité ou la reconstruction, cela pourrait progressivement supplanter l’influence israélienne. - Transformation d’une présence temporaire en appui structurel
Sous couvert d’une mission humanitaire, une empreinte durable pourrait s’installer : infrastructures, personnels, organes administratifs soutenus par Ankara et Doha. C’est l’inquiétude majeure relevée par l’article. - Tension avec l’Égypte sur l’influence régionale
L’Égypte, acteur historique de Gaza, redoute d’être marginalisée. Le Caire menace déjà de fermer Rafah si Doha outrepasse (déclaration Sissi, Al-Ahram, oct. 2025).
Ainsi, l’alliance Qatar-Turquie ne relèverait plus d’un équilibre diplomatique, mais de contrôle territorial et symbolique.
De la médiation à la mainmise
Ce qui, au départ, devait ressembler à une mission de médiation régionale — un rôle de supervision et de garantie du cessez-le-feu — tend aujourd’hui à se transformer en prise d’ancrage politique et territoriale.
Plus les semaines passent, plus la frontière entre l’aide humanitaire, la reconstruction et la projection d’influence se brouille.
L’implication turco-qatarie, si elle se confirme dans sa dimension opérationnelle, pourrait donc redéfinir la nature même du plan Trump : d’une architecture de paix encadrée à un partage de zones d’influence sous mandat implicite.
- Ambiguïté du rôle de garant
Le rôle de garant devient opératif : contrôle de quartiers, gestion de services, encadrement sécuritaire. De facto, une autorité parallèle susceptible d’entrer en collision avec Israël et les autres garants. - Crédibilité et accusations de conquête masquée
Une présence durable pourrait être perçue comme une vassalisation de Gaza : stratégie de reconquête douce par influence. La comparaison avec la présence turque au nord de la Syrie est évidente. - Risques sécuritaires intensifiés
Des installations turques ou qataries deviendraient des cibles légitimes en cas d’escalade, élargissant le champ du conflit. - Rupture d’équilibre régional
L’Égypte et l’Arabie saoudite pourraient réagir par des contre-alliances pro-israéliennes, voire par des restrictions économiques ou frontalières. - Problèmes de légitimité locale
Les Gazaouis pourraient rejeter cette présence étrangère, vécue comme une substitution d’occupation. - Dilemme pour Israël
Accepter une présence « hostile » maquillée en mission humanitaire ou reprendre le contrôle — au risque d’une confrontation directe. - Impact sur Washington
Si la présence turque menace la stabilité régionale, le prochain président américain (Trump ou Biden) pourrait recalibrer le plan ou activer un veto diplomatique.
Scénarios possibles et probabilités
Plusieurs trajectoires se dessinent selon la manière dont Ankara et Doha exerceront leur influence.
Dans le scénario le plus probable, la présence turco-qatarie resterait limitée, contrôlée et réversible. Les deux pays interviendraient dans les zones civiles — reconstruction, aide, services publics — sans établir de structures militaires ou administratives permanentes. Ce modèle, proche du dispositif onusien au Liban en 2006, préserverait un équilibre fragile, mais au prix d’une dépendance logistique à Israël et aux États-Unis.
Un second scénario, presque aussi envisageable, verrait au contraire une implantation structurelle : des contingents encadrant la sécurité locale, des bureaux de coordination, voire une formation de forces gazaouies sous supervision turque. Cette configuration rappellerait la présence d’Ankara en Libye depuis 2019. Israël pourrait la tolérer dans des zones périphériques, mais y verrait vite une “zone d’influence” étrangère au cœur de Gaza.
Un troisième scénario, plus risqué, serait celui d’une confrontation directe. Si Israël considère cette implantation comme une atteinte à sa souveraineté, il pourrait imposer des restrictions de circulation ou mener des frappes ciblées contre des sites turco-qataris. La crise deviendrait alors diplomatique, voire militaire, avec des répercussions sur les relations entre Jérusalem, Washington et Ankara — rappelant la tension de 2020 autour des Dardanelles.
Enfin, un scénario marginal évoque un renversement diplomatique. Si la population gazaouie, les factions locales ou d’autres garants internationaux rejetaient cette présence, l’alliance pourrait se déliter. Doha et Ankara seraient alors réduits à un rôle d’accompagnement, comme la Russie contrainte de se retirer partiellement de Kherson en 2022.
Enjeux stratégiques revisités
- L’enjeu dépasse le champ diplomatique : il touche à la souveraineté de facto sur Gaza.
- Israël risque de perdre le contrôle indirect de zones clés.
- Gaza pourrait devenir une zone tampon d’influences croisées, à l’image du Liban d’après 1982.
- Les garanties du plan Trump seraient fragilisées si les garants exercent un pouvoir concret.
Gaza, nouveau Liban ?
Entre reconstruction et ré-islamisation, le risque est celui d’un protectorat sous double bannière turco-qatarie.
Lire aussi l’article « Gaza : Israël face au risque d’une présence turco-qatarie dans l’enclave »
Autres sources :• worldisraelnews.com/qatar-turkey-gaza – (16/10/2025)
• Al-Ahram (Sissi Rafah) : [ahram.org.eg/sissi-gaza] – (15/10/2025)
• Sondage Gaza : [pcpsr.org/poll] -(68% contre forces étrangères, 09/2025)