
Sous l’impulsion de Mohammed ben Salmane, MBS, l’Arabie saoudite connaît une mutation accélérée. Vision 2030 vise à moderniser l’économie, réduire la dépendance au pétrole et ouvrir la société. Mais cette modernisation se heurte aux résistances religieuses et aux limites d’un système autoritaire.
Une mutation accélérée
Depuis son arrivée au pouvoir, Mohammed ben Salmane (MBS) s’est imposé comme le visage d’une Arabie saoudite en pleine transformation. Portée par la stratégie Vision 2030, son ambition est claire : diversifier l’économie, réduire la dépendance au pétrole et moderniser la société. Cette orientation marque une rupture avec des décennies de conservatisme religieux et social, profondément ancrées dans l’alliance entre la monarchie et le clergé wahhabite.
Le recul de l’ordre religieux
L’une des réformes les plus emblématiques a été la réduction drastique des pouvoirs de la police religieuse (mutawa), autrefois redoutée dans l’espace public. En limitant leur autorité, MBS a ouvert la voie à une plus grande liberté individuelle et a brisé un symbole du contrôle social wahhabite. Cette décision a suscité la résistance de factions conservatrices, mais elle a également permis de signaler au monde que la société saoudienne pouvait évoluer dans le cadre de Vision 2030.
Nouvelles libertés sociales et culturelles
La réouverture des cinémas, l’autorisation de concerts ou encore l’élargissement du rôle des femmes dans la vie publique traduisent une volonté d’adapter le royaume aux standards mondiaux. Ces évolutions, longtemps inimaginables en Arabie saoudite, ne sont pas seulement symboliques : elles redessinent le quotidien d’une jeunesse majoritaire, connectée et aspirant à davantage d’ouverture.
Pour autant, ces changements restent encadrés par un appareil politique autoritaire qui ne tolère pas la contestation. La modernisation sociale voulue par Mohammed ben Salmane progresse, mais sous le strict contrôle de l’État.
La bataille de l’éducation et de l’idéologie
Un autre front majeur est celui de l’éducation et du discours religieux. L’épuration progressive des manuels scolaires de leur contenu extrémiste et la création de centres comme Etidal, dédié à la lutte contre l’idéologie radicale, traduisent une tentative de remodeler le paysage intellectuel et spirituel du pays.
Le programme de réhabilitation des anciens extrémistes, mêlant accompagnement religieux, psychologique et social, illustre également une approche innovante, misant sur la réintégration plutôt que sur la seule répression. Cette réforme éducative et idéologique est l’un des piliers de la Vision 2030 et de la modernisation de l’Arabie saoudite.
Les résistances internes
Ces transformations, si spectaculaires soient-elles, ne se font pas sans résistances. Au sein de la famille royale comme parmi les élites religieuses, des forces conservatrices demeurent hostiles à cette libéralisation.
L’équilibre entre modernisation et légitimité religieuse reste fragile, et le pouvoir du prince héritier dépend encore de sa capacité à contenir ces oppositions sans provoquer de rupture interne. Les défis de Vision 2030 ne sont pas seulement économiques, mais aussi politiques et sociaux.
Une transition encore inachevée
Si Mohammed ben Salmane a ouvert une ère de réformes sans précédent, le défi réside désormais dans leur consolidation. La modernisation économique et sociale est engagée, mais elle se déploie dans un cadre politique où l’espace pour la critique reste limité.
Le royaume avance ainsi sur une ligne de crête : affirmer son ouverture sans affaiblir l’autorité centrale qui garantit sa stabilité.
La transformation saoudienne ne peut être réduite ni à une propagande de communication, ni à une révolution libérale. Elle reflète une stratégie pragmatique : adapter un système profondément conservateur aux exigences de la mondialisation, tout en évitant un choc frontal avec les forces religieuses.
Une bataille silencieuse
Les avancées sociales sont réelles et visibles.
Les résistances structurelles, elles, restent puissantes.
L’avenir dépendra de la capacité du pouvoir à traduire ces réformes en un changement durable, accepté par la société et non seulement imposé d’en haut.
L’Arabie saoudite est aujourd’hui engagée dans une bataille silencieuse : non pas seulement entre ouverture et tradition, mais entre un projet d’État modernisé porté par Vision 2030 et les forces de résistance qui traversent son appareil religieux, social et politique.
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