1) Hafeet Rail : la première couture Golfe–Golfe
Le premier chemin de fer transfrontalier du Conseil de coopération du Golfe (CCG) est en train de naître. Hafeet Rail reliera Al Ain (Émirats arabes unis) à Sohar (Oman) sur 238 km d’ici 2026–2027 (tests dès 2025). Pensée pour le fret et les passagers, la ligne vise une logistique plus propre, la désaturation des axes routiers et l’intégration des ports stratégiques (Sohar ↔ Jebel Ali).
Objectifs clés
- Transport mixte fret / passagers
- Réduction de 70 000 camions/an → ~2,5 millions de tonnes de CO₂ évitées (Etihad Rail ESG Report 2024)
- Connexion portuaire Sohar–Jebel Ali et chaîne logistique verte
Gouvernance & financement
Joint-venture Oman Rail & Etihad Rail, avec ~3 milliards USD engagés dès 2023. Comme l’a résumé Gulf Business (2024) : « Le rail devient la colonne vertébrale d’une économie intégrée du Golfe. »
2) Etihad Rail : l’épine dorsale émiratie
Le réseau national des Émirats (~1 200 km) relie la frontière saoudienne à Fujairah sur la mer d’Oman. Déjà ~80 % achevé (2025), le segment Abu Dhabi–Dubaï est opérationnel (fret prioritaire). La phase passagers prévoit un trajet Abu Dhabi → Fujairah en ~50 minutes.
- –30 % d’émissions logistiques visées sur le fret
- Développement de l’écotourisme ferroviaire intérieur
- Connexions futures vers Riyad et Mascate via Hafeet Rail
3) Saudi Landbridge : le pont continental saoudien
Sur ~1 300 km, le Landbridge reliera Jeddah (mer Rouge) à Dammam (Golfe Persique). C’est le plus grand projet de fret ferroviaire de la région, financé par le PIF (coût estimé 8–10 milliards USD).
- Contournement partiel du canal de Suez pour certains flux Asie–Europe
- Intégré à Vision 2030
- Extensions vers NEOM, Tabuk, et potentiellement Jordanie (discussions)
4) IMEC : le corridor qui relie tout (Inde → Europe)
Signé au G20 2023 (New Delhi), l’India–Middle East–Europe Corridor (IMEC) est un corridor multimodal (rails, ports, pipelines, câbles).
Son tracé : Inde → Émirats → Arabie saoudite → Jordanie → Israël → Europe.
Objectif stratégique : contrepoids à la Belt and Road Initiative chinoise.
Hafeet, Etihad et Landbridge constituent ses artères ferroviaires.
Réalité 2025 : calendrier freiné par la guerre à Gaza, mais tronçons déjà construits.
5) Israël et le « corridor de paix » : hub logistique eurasiatique
La ligne Est (Haïfa–Beit She’an–frontière jordanienne) est modernisée pour s’intégrer à IMEC.
Ambition : acheminer des marchandises indiennes via Haïfa → Jordanie → Golfe. Sur le plan domestique, le train rapide Tel Aviv–Jérusalem (28 min) illustre la montée en gamme ferroviaire.
Vision : Israël comme hub logistique eurasiatique, en complément du port d’Ashdod.
Hypothèse étudiée : une future liaison Haïfa–Beyrouth via Jordanie, à l’échelle IMEC (nécessite des conditions politiques favorables).
6) Égypte, Jordanie, Irak, Turquie : le rail comme stabilisateur régional
| Pays | Projet phare | Impact |
|---|---|---|
| Égypte | Green Line Siemens (~2 000 km) : Alexandrie – Le Caire – Assouan – mer Rouge (mise en service progressive ~2026) | Train à grande vitesse durable, colonne vertébrale nord–sud |
| Jordanie | Ligne Aqaba–Amman–Zarqa (modernisation / nouvelle capacité) | Désengorgement de la route du désert, connexion industrielle au port d’Aqaba |
| Irak | Route du Développement (~1 200 km) : Bassorah → Turquie | Corridor stratégique vers l’Europe (cofinancements, participation turque, apports chinois partiels) |
| Turquie | Pivots Ankara–Istanbul–frontières UE / intégration corridors Irak & Chine–Europe | Nœud ferroviaire eurasiatique, articulation avec les flux Moyen-Orient → Europe |
7) Le rail comme diplomatie silencieuse : connecter sans conquérir
Ces infrastructures dépassent la technique. Elles incarnent une diplomatie du transport où la coopération technologique et la planification verte remplacent la confrontation. Au cœur du dispositif :
- Coopérations croisées Émirats–Oman–Arabie saoudite–Jordanie–Israël
- Chaînes énergies renouvelables et minerais critiques soutenues par le rail
- Frontières transformées en passages plutôt qu’en barrières
D’ici 2035, un train pourrait relier Dubaï à Haïfa en moins de 12 heures : moins un rêve qu’un
agenda implicite, si les corridors transfrontaliers s’imbriquent comme prévu.
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Repères utiles et sources : Etihad Rail (ESG 2024), annonces JV Oman Rail–Etihad Rail (2023), PIF / Vision 2030 (Landbridge),G20 New Delhi (IMEC, 2023), communiqués ministériels Égypte (Siemens HSR), Irak (Route du Développement), Israël (Ligne Est).