L’or vert du Golfe : quand le désert devient une ferme mondiale

L’or vert du Golfe : quand le désert devient une ferme mondiale

Longtemps dépendant des importations, le Moyen-Orient mise désormais sur une ressource stratégique : la durabilité agricole.
Du Golfe à Israël, l’innovation transforme les déserts en zones de production intelligente.
Hydroponie, énergie solaire, intelligence artificielle : l’« or vert » du XXIᵉ siècle pourrait bien se cultiver sous le soleil du Golfe.

Un tournant stratégique vers la souveraineté alimentaire

La guerre en Ukraine et la pandémie ont révélé la vulnérabilité structurelle des économies du Golfe : plus de 85 % des denrées alimentaires y sont importées.
Face à cette dépendance, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et Oman ont fait de la sécurité alimentaire un pilier de leurs stratégies nationales.
Mais au lieu de revenir à l’agriculture traditionnelle, ces États ont choisi la voie de la technologie agricole (AgTech) — un domaine où Israël joue un rôle clé de partenaire et de modèle.

Selon le Global Food Security Index 2025 (Economist Impact), les Émirats se classent 23ᵉ mondial et visent le top 10 d’ici 2031, grâce à la diversification de leurs sources et aux innovations locales¹.

Israël et les Émirats, pionniers d’une alliance agricole post-Abraham

Depuis la signature des Accords d’Abraham, Israël et les Émirats ont multiplié les coopérations agricoles.
Des entreprises israéliennes telles que Netafim, CropX ou Watergen exportent leurs technologies de micro-irrigation et de récupération d’eau atmosphérique vers les fermes de Dubaï et d’Al-Aïn.
À Masdar City, des serres hydroponiques produisent des tomates et des fraises avec 90 % d’eau en moins qu’en culture classique, grâce à des systèmes israéliens couplés à des algorithmes émiratis².

Un modèle d’agrivoltaïque hybride (solaire + hydroponie) est en déploiement à Masdar, inspiré des projets israéliens de Doral Energy et Ta’anakh³.
Ces fermes recyclent l’eau condensée sous les panneaux solaires, créant un cycle autonome soutenu par l’IRENA (Abou Dhabi).
Elles pourraient devenir la référence régionale d’une agriculture circulaire.

La transition énergétique du Golfe face à l’explosion de la demande électrique

L’Arabie saoudite et Oman entrent dans la course

Dans le cadre de Vision 2030, l’Arabie saoudite vise à produire 70 % de ses fruits et légumes localement d’ici 2035.
À Neom, le méga-projet futuriste inclut une Food Valley via la société Topian : fermes verticales, aquaponie, recyclage des déchets organiques et IA prédictive pour anticiper les besoins en eau⁴.
Objectif : 600 000 tonnes de nourriture durable d’ici 2030.

À Oman, la stratégie repose sur des fermes marines et aquaponiques, combinant production piscicole et cultures végétales, soutenues par des fonds singapouriens.

Quand le désert devient laboratoire climatique

Ces projets répondent à une urgence écologique : les températures du Golfe pourraient augmenter de 3 °C d’ici 2050, menaçant les ressources en eau douce.
L’hydroponie et la culture en environnement contrôlé réduisent la consommation d’eau de 90 %, tout en augmentant la productivité.

Selon le Middle East Green Initiative Report 2024, ces innovations pourraient éviter jusqu’à 27 millions de tonnes de CO₂ par an dans la région⁵.
Les Émirats veulent exporter ce savoir-faire vers l’Afrique et le Levant, via un corridor agro-tech Sud-Sud financé par Mubadala et la Banque mondiale.

Deux modèles, deux visions : durabilité ou prestige ?

Malgré un enthousiasme commun pour l’agriculture durable, deux modèles s’opposent :

  • Émirats & Israël : coopération pragmatique, fondée sur la R&D, la résilience et la rentabilité.
  • Arabie saoudite & Qatar : logique de prestige, où les méga-fermes servent de vitrines diplomatiques plus que d’outils de souveraineté.

L’enjeu : transformer cette « vitrine verte » en véritable levier stratégique.

Vers une « ceinture verte » du Moyen-Orient ?

Ces projets pourraient, à terme, constituer une ceinture verte régionale, reliant Israël, le Golfe et la Méditerranée orientale.
Un projet d’Alliance pour la sécurité alimentaire est déjà à l’étude, réunissant Israël, les Émirats, Bahreïn et la Jordanie sous l’égide américaine.

Conclusion : la prochaine révolution du Moyen-Orient sera peut-être agricole

Sous le sable, une autre ressource s’éveille : l’intelligence technologique au service du vivant.
Ce que le pétrole fut au XXᵉ siècle, l’agriculture durable et la data verte pourraient le devenir au XXIᵉ.
L’« or noir » a bâti des empires ; l’« or vert » pourrait bien nourrir leur avenir.

Projets et initiatives

  1. Global Food Security Index – UAE 2025 (Economist Impact)
  2. Masdar City – Sustainable Urban Development
  3. Doral Energy – Agri-voltaic Projects
  4. Neom – Topian Food Company (Vision 2030)
  5. Middle East Green Initiative Report 2024 – Official Site

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A propos Faraj Alexandre Rifai 374 Articles
Faraj Alexandre Rifai est un auteur et essayiste franco-syrien, auteur de "Un Syrien en Israël" fondateur de Moyen-Orient.fr et de l’initiative Ashteret.