Bahreïn-Israël : la normalisation défie les crises régionales

Bahreïn-Israël : la normalisation défie les crises régionales

Normalisation Bahreïn-Israël. Cinq ans après les Accords d’Abraham, Bahreïn réaffirme son rapprochement avec Israël en recevant l’ambassadeur Shmuel Revel en août 2025, malgré les tensions post-7 octobre 2023. Cette normalisation, entre pragmatisme stratégique et contestation populaire, redéfinit-elle les équilibres du Golfe ? Décryptage.

Une normalisation à l’épreuve du feu

En 2020, Bahreïn, aux côtés des Émirats arabes unis, du Maroc et du Soudan, signait les Accords d’Abraham, brisant le tabou de la normalisation avec Israël sans résolution préalable de la question palestinienne.

Cinq ans plus tard, malgré la guerre déclenchée par le Hamas le 7 octobre 2023 et les tensions régionales, Manama maintient le cap. L’accueil du nouvel ambassadeur israélien, Shmuel Revel, le 27 août 2025, en est la preuve : la normalisation résiste, même sous pression.

Cette décision intervient après une période trouble : en novembre 2023, le parlement bahreïni avait appelé à suspendre les relations diplomatiques avec Israël face à l’émotion suscitée par le conflit à Gaza. Pourtant, le royaume a choisi de consolider ses liens, envoyant un signal clair de résilience.

Un choix stratégique face à l’Iran

La normalisation répond à des intérêts bien définis. Bahreïn, petit royaume du Golfe, fait face à l’influence croissante de l’Iran, son voisin et rival stratégique.

  • En renforçant ses liens avec Israël et les États-Unis – dont la 5ᵉ flotte est basée à Manama –, Bahreïn consolide un axe sécuritaire face à Téhéran.
  • La coopération maritime avec Israël, notamment en matière de cybersécurité et de surveillance, s’intensifie pour contrer les menaces régionales.

Sur le plan économique, les Accords d’Abraham portent leurs fruits :

  • les échanges commerciaux bilatéraux dépassent 100 millions de dollars par an ;
  • des projets communs se développent dans l’agriculture durable, la santé et la cybersécurité.

Bahreïn voit en Israël une porte d’entrée vers l’innovation, tandis qu’Israël perçoit Manama comme un tremplin vers les marchés du Golfe.

Une société divisée

Malgré ces avancées, la normalisation reste controversée. L’accueil de l’ambassadeur Revel a déclenché des manifestations à Manama fin août 2025, marquées par des heurts avec la police.

  • Une partie de la population, sensible à la cause palestinienne, rejette cette diplomatie perçue comme un abandon des solidarités arabes.
  • En 2023 déjà, des voix au parlement, notamment issues de courants chiites, avaient dénoncé les Accords d’Abraham, révélant un malaise persistant.

Bahreïn doit donc naviguer avec prudence : maintenir ses engagements internationaux tout en apaisant les tensions internes. Une escalade à Gaza ou au Liban pourrait raviver la contestation, mettant la monarchie dans une position délicate.

Un modèle pour le Golfe ?

La résilience de Bahreïn pourrait inspirer d’autres signataires des Accords d’Abraham, comme les Émirats ou le Maroc, et même encourager l’Arabie saoudite, encore hésitante, à franchir le pas.

Pour Israël, ce succès diplomatique est crucial : il prouve que la normalisation peut survivre aux crises et renforcer son intégration régionale, même après le choc du 7 octobre.

Ce pari n’est pas sans risque. Une nouvelle flambée régionale ou une montée des pressions iraniennes pourrait fragiliser l’équilibre. Mais Bahreïn mise sur une diplomatie pragmatique, alignée sur ses alliés occidentaux et golfiques, pour contribuer à redessiner les contours du Moyen-Orient.

La normalisation Bahreïn-Israël illustre les bouleversements stratégiques du Golfe :

  • coopération sécuritaire face à l’Iran,
  • ouverture économique et innovation,
  • mais aussi contestations sociales et fractures internes.

C’est l’un des dossiers clés pour comprendre la recomposition des équilibres régionaux après le 7 octobre.

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