
En intégrant l’intelligence artificielle (IA) au cœur de la gouvernance, les Émirats arabes unis redéfinissent le futur. Avec la création du premier Regulatory Intelligence Office au monde, Dubaï place l’IA au service de la législation, promettant de rédiger les lois 70 % plus vite et de consolider le rôle du pays comme hub mondial de l’innovation.
Un bureau révolutionnaire pour une législation intelligente
À Dubaï, où les gratte-ciel futuristes symbolisent une ambition sans limite, les Émirats arabes unis (EAU) viennent de franchir une étape historique avec la création du Regulatory Intelligence Office, annoncé en avril 2025 par Son Altesse Sheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum, Vice-Président, Premier ministre des EAU et Émir de Dubaï. Ce bureau, le premier au monde à utiliser l’intelligence artificielle (IA) pour rédiger, analyser et mettre à jour les lois, promet de réduire de 70 % le temps nécessaire à la production législative grâce à une analyse en temps réel des impacts des lois sur l’économie et la société.
Cette initiative s’inscrit dans la UAE AI Strategy 2031 et la vision Centennial 2071, qui ambitionnent de faire des EAU un leader mondial en matière d’innovation et de gouvernance intelligente. En intégrant l’IA aux processus législatifs, les EAU ne se contentent pas d’optimiser leur administration : ils redéfinissent la manière dont les lois sont conçues.
Les EAU, pionniers de l’IA dans la gouvernance
Depuis 2017, les EAU se distinguent comme des précurseurs en nommant Omar bin Sultan Al Olama comme premier ministre de l’Intelligence artificielle au monde, une initiative audacieuse qui a marqué les esprits. Depuis, le pays a multiplié les investissements dans l’IA, avec des projets phares tels que :
- Dubaï Smart City : des capteurs alimentés par l’IA optimisent la gestion du trafic, réduisant les embouteillages de 15 % dans certains quartiers grâce à des algorithmes prédictifs.
- Ministère de la Justice : le déploiement du Virtual Legal Advisor et de l’assistante virtuelle « Aisha », basée sur l’IA générative, aide les usagers des tribunaux à naviguer dans les démarches juridiques, réduisant les délais administratifs de 40 %.
- Masdar City : cette ville durable utilise l’IA pour minimiser la consommation énergétique des bâtiments, avec des systèmes automatisés qui ajustent la climatisation en temps réel.
Le Regulatory Intelligence Office va plus loin en intégrant l’IA directement dans la rédaction des lois. En exploitant le traitement du langage naturel et des modèles d’IA entraînés sur plus de 100 000 textes juridiques, ce système analyse les lois existantes, détecte les contradictions et propose des amendements en se basant sur des données nationales et internationales. Par exemple, il peut évaluer l’impact d’une nouvelle réglementation sur le secteur immobilier de Dubaï en croisant les données des transactions avec les décisions judiciaires.
Des ambitions économiques et sociétales
Les EAU consolident leur statut de hub technologique mondial grâce à une stratégie ambitieuse :
- Zones d’innovation : des hubs comme le Dubai Future District attirent des géants technologiques tels que Google et Microsoft, ainsi que des startups spécialisées en IA.
- Secteurs stratégiques : l’IA est intégrée à la santé (diagnostics automatisés à l’hôpital Cleveland d’Abu Dhabi), à la finance (détection des fraudes par Emirates NBD) et à la logistique (optimisation des ports par DP World).
- Éducation : le Mohamed bin Zayed University of Artificial Intelligence (MBZUAI) forme des talents locaux, avec 1 000 diplômés en IA prévus d’ici 2027.
Cette stratégie soutient la diversification économique post-pétrole, avec des investissements de plus de 10 milliards de dollars dans la transformation numérique. L’IA devient un moteur pour une économie plus résiliente et inclusive.
Un soft power technologique sur la scène mondiale
Sur le plan géopolitique, les EAU se positionnent comme un acteur clé entre les superpuissances technologiques comme les États-Unis et la Chine. Le Regulatory Intelligence Office renforce leur soft power en proposant un modèle de gouvernance innovant, capable d’influencer d’autres nations.
En collaborant avec des centres de recherche internationaux, les EAU alignent leurs lois sur les meilleures pratiques mondiales, tout en promouvant des standards éthiques via des initiatives comme le UAE AI Charter de 2024, qui met l’accent sur la transparence et la sécurité.
Par exemple, lors de l’AI Retreat à Dubaï en 2024, des experts mondiaux ont discuté de l’intégration de l’IA dans la gouvernance, consolidant la réputation des EAU comme un laboratoire d’innovation. Ce positionnement stratégique attire des investissements étrangers et renforce leur influence régionale.
Défis éthiques et contextuels
Malgré ces avancées, des questions critiques émergent, particulièrement dans le contexte unique des EAU :
- Transparence : Qui contrôle les algorithmes du Regulatory Intelligence Office ? Le manque de clarté sur les processus de décision de l’IA pourrait éroder la confiance des citoyens, notamment des expatriés, qui représentent 90 % de la population.
- Biais : Dans un pays à forte diversité culturelle, comment garantir que l’IA ne favorise pas les intérêts d’un groupe au détriment d’un autre, comme les travailleurs migrants ? Le UAE AI Charter insiste sur l’équité, mais des audits réguliers seront nécessaires.
- Centralisation : Le modèle des EAU, basé sur une gouvernance centralisée, peut-il être exporté vers des démocraties participatives où les citoyens exigent une consultation publique ?
- Sécurité des données : Avec l’utilisation de grandes quantités de données pour entraîner les modèles d’IA, la protection des données personnelles, encadrée par le Federal Decree-Law No. 45 de 2021, reste cruciale.
Ces défis, s’ils ne sont pas adressés, pourraient limiter l’impact global du modèle émirati.
Un modèle pour la région ?
Comparé à d’autres pays du Golfe, comme l’Arabie saoudite avec son projet NEOM ou le Qatar avec ses initiatives en IA, les EAU se distinguent par leur approche intégrée et leur rapidité d’exécution. Par exemple, alors que NEOM se concentre sur une ville futuriste, les EAU appliquent l’IA à l’ensemble de leur système législatif, un choix plus systémique. Cependant, leur modèle centralisé pourrait être moins adaptable à des contextes nécessitant une participation citoyenne plus large.
Accélérer la transformation
En plaçant l’IA au cœur de la gouvernance avec le Regulatory Intelligence Office, les Émirats arabes unis ne se contentent pas d’accélérer la rédaction des lois : ils redéfinissent la gouvernance pour le 21e siècle.
Ce modèle, soutenu par des figures comme Omar bin Sultan Al Olama et des institutions comme le Dubai Future Foundation, positionne les EAU comme un leader mondial. Cependant, pour devenir un modèle universel, ils devront relever les défis de transparence, d’équité et d’inclusion.
L’IA au service de l’État représente-t-elle un progrès pour la gouvernance mondiale ou un pas vers une automatisation aux conséquences imprévisibles ? Les EAU, en pionniers, ont l’opportunité de tracer une voie éthique et durable pour l’avenir.
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